Bon, on ne va pas vous réformer pour ça puisque de toutes façons vous ne ferez pas l’armée. Vous allez enseigner, vous allez faire un beau voyage, et… Au suivant !

Les voyages donnent une très grande étendue à l’esprit : on sort du cercle des préjugés de son pays, et l’on n’est guère propre à se charger de ceux des étrangers.

Charles de Montesquieu

Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, Première parti

Article mis à jour et modifié en juin 2021

La Guadeloupe : Mon premier grand voyage

J’ai découvert la Guadeloupe,  il y a de nombreuses années. L’Ile d’Émeraude, la bien nommée. J’y ai fait mon service militaire dans des conditions un peu particulières. J’étais très jeune, je venais de terminer mes études avec en poche une Licence de Lettres Modernes et quasiment une autre d’Espagnol. Mon sursis étant expiré, je n’avais aucune envie particulière de partir pour l’Armée. J’ai donc postulé pour être ce que l’on appelait alors V.A.T. = Volontaire Aide Technique. Ce statut permettait de faire son service militaire mais sans jamais aborder la vie militaire. Aujourd’hui encore je ne sais pas reconnaître un caporal, un adjudant, un capitaine, un commandant, ni à son uniforme ni dans sa fonction.

Les V.A.T partaient dans un des D.O.M./T.O.M, et y exerçaient leur propre profession, comme des civils, mais avec un statut militaire et une paye restreinte ne correspondant pas à la paye normale de la profession. Je suis donc parti en tant que prof de français.

Deuxième surprise.

Dans mes vœux j’avais postulé en priorité pour la Nouvelle Calédonie, ou Tahiti ou même Wallis et Futuna, à la rigueur la Réunion ou au pire la Martinique, mais SURTOUT PAS la Guadeloupe !!! J’avais épousé une Guadeloupéenne deux ans auparavant et pour des raisons personnelles je ne voulais absolument pas être nommé en Guadeloupe.

Depuis des mois je rêvais de la Nouvelle Calédonie et des îles environnantes des T.O.M. Mes vœux étaient suffisamment larges pour que je dorme sur mes deux oreilles.

Eh bien, non !

Tu veux aller n’importe où sauf en Guadeloupe ? Eh bien tu iras en Guadeloupe !

Ainsi en a décidé l’Armée. A moins que ce soit mon ange gardien ?

A cette époque-là, j’étais très loin de savoir que j’avais un ange gardien qui me surveillait étroitement et veillait sur ma vie.

Première surprise.

A la visite médicale d’incorporation, j’étais absolument certain que, de toutes façons, je serais réformé car je ne vois que d’un œil, ce qui me cause une incapacité à voir le relief ou à évaluer correctement les distances. Rédhibitoire pour un militaire ! On m’a d’abord fait regarder dans un appareil bi oculaire qui ressemblait à des jumelles. Je m’en souviens très bien. On y voyait une tour Eiffel, une lune, et un soleil.

– Où voyez-vous la lune et le soleil par rapport à la tour Eiffel ?

– Comment ça ? Je ne comprends pas la question.

J’ai vu tout de suite que le médecin s’imaginait que je jouais les débiles pour être réformé. Néanmoins il a répondu.

– Sur quel plan vous voyez la lune et le soleil ? Lequel est devant, lequel est derrière la tour ?

– Les trois sur le même plan !

– Bon, arrêtez de faire l’imbécile et de vous foutre de moi.

– Mais je ne fais pas l’imbécile ! Je suis amblyope, je ne vois que de l’œil droit.

Tests complémentaires, suivis de la conclusion :

– Bon, on ne va pas vous réformer pour ça puisque de toutes façons vous ne ferez pas l’armée. Vous allez enseigner, vous allez faire un beau voyage, et… Au suivant ! Comme chantait Jacques Brel.

Troisième surprise.

A mon arrivée, on m’a affecté dans un lycée qui manquait de prof d’espagnol et, bien que je sois parti en tant que prof de français, c’est l’espagnol que j’ai enseigné.

Mais je n’ai guère profité de mon séjour pour y faire du tourisme, n’ayant pas de moyens de locomotion, pas de permis de conduire à cette époque, et pas trop d’argent non plus en tant que militaire. Je n’ai découvert que quelques plages et, quand même, l’incontournable Soufrière.

La soufrière

La fin du séjour

J’ai quitté cette île, déçu, au bout d’un an.

Heureux de rentrer en France, j’ai boudé la Guadeloupe pendant plus de 30 ans.

J’y suis retourné de manière fortuite, un peu sur un coup de tête. Et cette fois-là, j’ai découvert une île enchanteresse avec toutes ses petites sœurs satellites : Les Saintes, Marie Galante, La Désirade.

Je me suis initié à la plongée sous-marine, j’ai crapahuté un peu partout, découvert aussi les trésors à foison de ses fleurs et ses fruits, les cachalots, baleines à bosse, orques et autre bébêtes sympathiques… Ou moins, comme les moustiques, les abominables blattes, et les ÉNORMES scolopendres de vingt centimètres de long.

Et puis, après ces heureux et enchanteurs longs séjours en Guadeloupe pendant quelques années, j’ai découvert l’Inde et je n’y suis plus retourné.

Je reviendrai plus tard sur mes voyages en cargo pour me rendre dans l’Ile d’Émeraude, et dont je garde aussi un souvenir inoubliable.

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