Assortiments de petit déjeuner : vada, idli, parotha, samosa, et autres

Un acte manqué… Une arrivée inopportune… De gros nichons, mais pas de cervelle… Un arrière goût amer…

Un bel acte manqué

Nous avons regardé tant de photos, il a posé tant de questions, nous avons tant parlé, que nous n’avons pas vu le temps passer.

Il a raté son train.

Si ce n’est pas un acte manqué, ça, alors moi je suis le Pape !

– Tant pis, je dormirai à la gare, dans la salle d’attente.

– Tu peux rester ici ce soir, mais demain matin il faut que tu décampes à 09h au plus tard, j’attends une amie française qui va séjourner trois semaines ici avec moi.

L’honneur est sauf : Un lit à l’indienne, king size, deux mètres de large. On peut y dormir à trois et même à quatre sans se gêner les uns les autres. C’est bien d’ailleurs ce que font les Indiens quand ils débarquent dans un hôtel, en famille, à dix dans la même chambre…

Une des raisons principales pour laquelle je n’aime pas dormir avec quelqu’un dans mon lit, c’est que mes médicaments m’étourdissent le soir. Je suis comme en état d’ébriété une demi-heure après les avoir pris. Je dois me coucher rapidement, et je m’endors profondément. Le matin, ce n’est pas triste, je suis comme un zombie pendant un moment et je dois avaler un litre de thé, tranquillement, sans décrocher une parole ni écouter qui que ce soit, ni faire quoi que ce soit, avant de recouvrer mes esprits.

Ce Matt, il est bien gentil et semble honnête, mais s’il allait fouiller dans mes sacs et me prendre mon argent ? Alors, discrètement, pendant qu’il est sous la douche, je planque tout mon fric, passeport, cartes de crédit sous le matelas. Honte à moi, maintenant, quand j’y repense !

Une arrivée inopportune

Nous sommes réveillés en fanfare par de grands coups de sonnette à 7h du matin. – Dans les hôtels indiens il y a une sonnette à chaque chambre –

Je me dirige vers la porte en caleçon, complètement décervelé, prêt à aboyer, persuadé qu’il s’agit d’un client qui se trompe de chambre, ou d’un room boy qui fait une erreur…

Je reste pétrifié sur place.

– Sophie !!!

Je n’arriverai pas avant 10h, m’avait-elle prévenu.

– Ben, oui, le bus a foncé et je viens juste d’arriver !

La conne ! On dit que la goujaterie est l’apanage des hommes ! Elle aurait bien pu attendre une heure plus décente avant de venir me déranger. Elle sait que je ne suis pas en forme le matin au réveil.

Mais voilà qu’elle insiste lourdement pour entrer.

– J’ai besoin d’aller aux toilettes…

– Putain, mais tu ne peux pas faire dans ta chambre ?

– Y’a pas de papier !

Cul français, main gauche délicate, la douchette ne lui convient pas.

– Eh, bien, va pisser ailleurs… Tu ne peux pas aller dans ma salle de bain, j’ai lavé du linge hier soir et je l’ai mis à sécher, il y en a partout. On ne peut pas entrer dans la salle de bain ! J’ai passé une nuit affreuse dormant à peine trois heures, après les deux nuits précédentes sans fermer l’œil. Je suis crevé et tu sais que le matin je suis complètement à côté de mes pompes et de mauvaise humeur.

Et je lui claque presque la porte au nez.

Je me recouche absolument furieux de ce réveil intempestif aux aurores.

Matt me regarde, l’air ahuri, ne comprenant absolument rien à l’échange en français et se demandant ce qui se passe.

– Is she your girlfriend?

De gros nichons, mais pas de cervelle !

– D’abord tu m’emmerdes, ce n’est pas ma girlfriend. Yes, she’s my french friend but she is not my girlfriend. C’est juste une copine. Elle a de gros nichons, mais pas de cervelle. Va vite te doucher et pars tout de suite, il ne faut pas qu’elle te voie.

Mais elle récidive un quart d’heure plus tard.

– Ça y est, tu t’es douché ? Tu descends boire un thé avec moi ?

Je l’aurais tuée ! Cependant je reste zen et garde un relatif sourire, et même j’éclate de rire en pensant à Matt planqué dans la salle de bain.

– Ecoute, Sophie, tu as fait un long voyage en bus, tu es bien réveillée, moi pas. Laisse-moi un moment pour émerger, va au restaurant, commence à déjeuner, je te rejoins dès que je suis prêt.

J’explique tant bien que mal à Matt la situation cocasse. Il faut qu’il parte, mais je n’ai pas envie qu’il s’en aille comme un voleur. Je veux prendre le temps de lui dire au revoir, d’échanger nos adresses e-mail, nos téléphones.

Je me douche, je m’habille, vingt minutes passent encore… Nous sommes prêts à sortir. J’ouvre la porte, et…

– Oh ! Tu es encore là ?

La garce, elle est là, plantée devant nous, son dos appuyé contre le mur d’en face.

Avec un petit sourire sardonique et du ton vipérin dont elle a le secret, elle me lance :

– Ah, ben voilà, je comprends pourquoi tu étais si fatigué !

– Connasse !

– Qu’est-ce qu’il est beau ! C’est du gaspillage.

– Alors si tu voyais son cul et sa bite, tu en crèverais de jalousie ! Connasse ! J’ai rien vu !!! Il n’est pas gay, et tu sais bien que moi non plus c’est pas mon truc. C’est pas du tout ce que tu crois…

J’ai un gros défaut, quand je suis attaqué je ne sais pas me défendre, je ne sais pas rétorquer. Je bafouille, mon cerveau se brouille, je dis des banalités d’une incongruité absolue. Les réponses intelligentes et cinglantes, elles me viennent après, un bon moment après.

Là, je suis submergé par mes émotions : colère, injustice…

De toutes façons, ça ne servirait à rien de lui expliquer la situation, elle ne me croirait pas.

Eh puis, merde, j’ai pas à me justifier. Elle n’est ni ma femme, ni ma maîtresse.

Un arrière-goût amer

Du coup, plus rien ne précipite le départ de Matt et je lui propose de déjeuner avec nous. Il accepte, mais je le sens profondément gêné. Il a compris la scène, même en français…

Nous retournons à l’Indian Coffee house puisqu’il est trop tôt pour le breakfast à l’hôtel. Pendant que nous attendons d’être servis, je me calme un peu et je raconte à Sophie notre rencontre et ce qui s’en est suivi.

Qu’elle me croie si elle peut, qu’elle ne me croie pas si elle veut.

Je m’en fous. Je lui en veux terriblement. Matt se sent extrêmement gêné. A peine son petit déjeuner avalé, il se lève et prend congé de nous. Un au revoir glacial et conventionnel, m’associant à elle comme si les heures que nous avons passées ensemble étaient effacées, comme s’il venait de prendre un thé avec deux touristes étrangers qui l’auraient invité à leur table.

Nous ne manifestons aucune complicité chaleureuse, aucun regard, aucun sourire. Il travere le restaurant sans se retourner, me laissant en tête-à-tête avec cette folle-dingue, à me demander si cette rencontre a été réelle ou s’il ne s’agit que d’un rêve.

Une nouvelle de ces belles conjonctures de voyage qui vous laissent l’arrière-goût amer de ne pas pouvoir poursuivre plus avant une amitié naissante.

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