La cuisine fait partie de la culture
Un de mes amis, ayant eu connaissance de mes talents culinaires et ayant apprécié mes préparations indiennes, m’a suggéré d’intégrer dans mon site une rubrique de recettes indiennes. J’ai trouvé cette idée excellente et tout à fait en relation avec mes récits de voyage indiens.
Quand j’étais enfant, mon père, sans nous y contraindre, nous incitait à goûter à tous les plats qui arrivaient sur notre table, que ce soit à la maison, en famille, chez des amis, et, surtout, en voyage. Son argument était que « la cuisine fait partie de la culture ». Et si, à l’époque, cela m’agaçait prodigieusement d’absorber des aliments que je détestais a priori, tout simplement parce que mon palais n’y était pas habitué, j’ai appris puis adopté cette notion de culture concernant les repas.
Une enfance culinaire
Je ne saurais dire d’où m’est venu ce goût pour la cuisine, car je suis bien le seul de ma fratrie à avoir versé dans cette passion. Il est vrai que dès mon enfance, je prenais grand plaisir à aider ma mère dans cette tâche. Je regardais ce qu’elle préparait, attentif au moindre de ses gestes, et surtout je posais mille questions sur ses préparations culinaires. Je l’entends encore me dire : « Il ne faut jamais saler une viande avant sa cuisson, car elle perdrait tout son jus. Sauf s’il s’agit d’un plat en sauce qui doit mijoter. » « Ne jamais improviser un plat pour la première fois lorsque l’on a des invités. » Ou bien encore : « En pâtisserie, il ne faut jamais changer une recette d’un iota, sinon on est sûr que ce sera raté. » Pour cela, je ne l’ai pas souvent écoutée, car précisément j’aime à mettre ma touche personnelle dans une recette. Il suffit d’un peu de bon sens et de réfléchir un peu. Et alors, ça marche à chaque fois… Ou presque…
Ne jamais s’énerver en cuisine
D’aussi loin que je me souvienne j’ai adoré confectionner des desserts originaux. Toutefois mes expérimentations ont eu quelquefois des résultats fâcheux. Je vais vous raconter une petite anecdote…
Il y a 40 ans environ, je tenais une table d’hôtes un peu chic, dans ma maison, quelque part en montagne.
Un soir, je préparais pour la première fois un de ces desserts fantastiques, – il s’agissait d’une sorte de crème à base de framboises – dans une grande bassine en plastique car un groupe assez nombreux avait réservé. Soudain, je me suis aperçu que ce dessert était raté, je ne me souviens plus pour quelle raison. Dans un geste de déception, d’énervement et de colère, surtout parce que j’étais déjà en retard, j’ai précipité la bassine par la fenêtre en face de moi qui surplombait le ravin. Mais j’ai un problème de vision qui me fait mal apprécier les distances. La bassine au lieu de passer par la fenêtre heurta un de ses montants. Elle explosa littéralement, répandant je ne sais combien de litres de cette crème rose partout sur le plan de travail et dans toute la cuisine…
Et juste à cet instant-même, toc, toc, toc, les premiers clients arrivaient…
Après avoir éclaté de rire, mon assistant en cuisine me dit :
J’aime inventer et créer mes propres recettes
J’aime inventer et créer mes propres recettes au gré de ma fantaisie et des produits que j’ai à ma disposition à la maison. Parfois sans savoir que quelqu’un(e) y a pensé avant moi et que la recette est connue de bien des personnes. Je me souviens dans ma jeunesse, d’avoir fait un plat de pommes de terre, dont j’étais très fier. Et je me suis entendu dire par quelqu’un au cours du repas : « Il est excellent ton gratin dauphinois. » J’avais cuisiné un plat très connu sans le savoir, en croyant l’avoir inventé, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
Malheureusement, je ne note jamais ou très rarement mes recettes. Je les réalise très souvent en suivant l’inspiration du moment, en regardant les produits dont je dispose. Ces « inspirations » se révèlent souvent délicieuses mais lorsque mes enfants ou mes amis me demandent de refaire un plat fabuleux dont ils se sont régalés, je le réalise, mais systématiquement il est différent et n’a que peu de ressemblance avec le plat initial.
– Va te doucher et t’habiller, je m’occupe de tout. Je les reçois, je les fais patienter et pendant qu’ils sirotent leur « planteur », je nettoie tout… Il y a des glaces au congélateur, tu sauras les « arranger » pour les rendre originales, et ce sera parfait.
Ce fut une de nos plus belles et plus mémorables soirées.
Mes origines de Français d’Algérie – j’ai toujours détesté le label « pied noir » – m’ont porté souvent vers la cuisine de pays de soleil : Espagne, Italie, Algérie, Maroc, Guadeloupe, et, bien sûr, maintenant, Inde.
Aussi, prends-je plaisir à réaliser des recettes « métis » en associant les éléments d’un plat français avec ceux d’un pays « exotique » et réciproquement.
Ce qui fait dire à mes amis français, que je cuisine « indien » et à mes amis indiens, pour le même plat, qu’il s’agit d’un mets « français ». Chacun ne reconnaissant pas le plat de son propre pays. L’essentiel est qu’ils s’en délectent.
Je cuisine beaucoup avec mes doigts, je « sens » mieux les ingrédients et la consistance de ce que je prépare. Mais, rassurez-vous, je passe mon temps à me laver les mains quand je réalise une recette.
Les aléas de la création d’une recette
Depuis quelques temps je connais quelques déceptions. Je m’évertue à confectionner un divin plat français pour des Indiens ou un plat indien pour des Français, chacun, bien souvent, à la demande de mes invités. « S’il te plaît tu nous feras un plat indien (ou français), hein ? » Et au final, ils chipotent dans leur assiette, en laissent une grande partie ou se servent une toute petite portion et n’y reviennent pas, tout en jurant sur leurs grands dieux qu’ils se sont régalés ! En général le « péché » que j’ai commis porte sur le piment, ou sur le sucre concernant les desserts. Dans les deux cas, c’est toujours trop pour les Français, jamais assez pour les Indiens.
Tiens, les desserts ! Parlons en ! Je me dépasse dans cette partie là. Soit j’invente en fonction de mes inspirations de gourmet/gourmand, ou alors je prends une recette de base et je l’agrémente ou la transforme à mon gré.
Cuisine française dans un restaurant allemand
Il y a une vingtaine d’années, le compagnon de ma fille qui tenait un restaurant « branché » fréquenté par toute l’Intelligentsia de Cologne, en Allemagne, voulut organiser une « semaine française », mais avec une carte toutefois atypique, différente de celles habituelles des restaurants français en Allemagne. Il me fallut me discipliner, rédiger, et imprimer mes recettes pour être sûr de pouvoir les reproduire au cours d’une même soirée ou au cours de la semaine. J’ai pu remarquer combien il était étonnant que certains plats étaient commandés plus que d’autres. Souvent à cause du nom que je leur avais donné pour la circonstance. Mais je n’ai pas pu m’empêcher, dans certains, d’y mettre un peu d’exotisme ou de fantaisie.
J’ai beaucoup apprécié d’avoir à ma disposition non seulement toute une panoplie d’ustensiles, mais aussi deux aides qui effectuaient toutes les corvées d’épluchage, de découpage, de mixage, de lavage, etc…
Ce fut très peu professionnel en cuisine ! Mais un réel succès en salle. Mon gendre sut m’en remercier et m’en récompenser.
Vous n’êtes pas ici sur un blog de cuisine
Non, vous n’êtes pas ici sur un blog de cuisine. Il y en a bien assez déjà… Et certains sont célèbres, excellents et magnifiques.
Mais, soyez indulgents, car vous ne trouverez pas ici tous ces petits détails qui « font » un blog de cuisine : des recettes inombrables, de multiples conseils, des remarques et recommandations sur des ustensiles, des adresses où trouver des produits, de superbes photos alléchantes…
Les miennes seront modestes, car ce type de photos n’est pas ma spécialité. Et souvent, quand j’ai réalisé une recette, j’oublie de la photographier, ou il s’agit juste d’un clin d’œil à ma famille ou à mes amis indiens ou français pour les faire saliver. Une photo de copain, en quelque sorte, prise sur un coin de table, pas une photo d’art…
Quand je serai en panne d’images spécifiques – ce qui risque de se produire souvent -, vu que vous êtes sur un blog de voyage en Inde, j’illustrerai ma recette avec des photos d’Inde, mais qui auront tout de même un rapport avec la nourriture ou les repas… Par exemple, ici, vous pouvez voir toutes les étapes de la confection des chapatis
Bon appétit !
Savez-vous qu’il est très déplacé dans les codes des « bonnes manières », de souhaiter bon appétit à quelqu’un et surtout à ses invités. L’expression est absolument à proscrire.
D’abord parce qu’elle réduit le repas à un simple besoin alimentaire et gastrique dont est exclue la notion de plaisir et de raffinement, a fortiori de « culture ». L’appétit étant une simple fonction naturelle, un besoin impérieux de manger quand notre estomac est vide. Le mot lui-même vient du latin appetere/appetensia. Bon, vous l’avez compris, c’est un mot trivial.
Ensuite, souhaiter un bon appétit renvoie à une fonction estomac/intestin peu ragoûtante au moment de commencer un repas.
Enfin, souhaiter bon appétit peut aussi sous-entendre que le repas va mériter un effort pour s’en acquitter – ne le dit-on pas à un malade ? – au lieu de s’en délecter avec un réel plaisir raffiné et « culturel ».
A éviter donc, lors d’un repas dans certains milieux socio-culturels, si vous ne voulez pas être aussitôt étiqueté vulgaire ou rustaud.
Mais j’ai eu la mauvaise idée de l’enseigner à mes amis indiens qui ne manquent pas de ponctuer d’un sonore « Bon appétit ! », le début de chacun de leurs repas pris avec moi et/ou d’autres convives. Et j’ai beau expliquer maintenant que ce n’est pas correct, l’expression leur plaît et ils ne la lâchent pas !
Alors… Bon appétit ? Je préfère vous dire : Régalez vous !
Je ne peux m’empêcher de conclure par la longue tirade de Ruy Blas.
Bon appétit ! messieurs ! —
…Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez pas ici d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !