Kanchipuram aux 125 temples…  A peine arrivé, j’ai eu envie de fuir Mahabalipuram… J’ai découvert mon propre Temple du Rivage à Tiger cave…

Nous sommes responsables de ce que nous sommes et nous avons le pouvoir de faire de nous-mêmes tout ce que nous désirons être.

Swami Vivekananda

Karma-Yoga

Kanchipuram, la ville aux 125 temples

J’avais prévu de me rendre à Kanchipuram à la toute fin de mon voyage afin d’y acheter un ou deux saris qui ont la réputation d’être somptueux…

Mais une fois encore Roger, mon compagnon de voyage, a bouleversé mes plans et mon itinéraire. Nous avons gagné Kanchipuram en bus depuis Vellore. Nous avons donc passé une bonne partie de la journée en trajet.

Suivit une visite-éclair très frustrante de la ville aux 125 temples dont six majeurs, car faute de temps nous n’avons pu en visiter que deux seulement.

Nous avons perdu un temps précieux en nous rendant au Varadaraja temple qui pour nous, touristes, ne présentait qu’un intérêt mineur. En revanche, ce temple consacré à Vishnou, le dieu qui accorde les faveurs, est le pôle d’attraction principal des pèlerins hindous.

Interdit aux non-hindous, mais quand bien même ne le fût-il pas, il nous eût été impossible d’y pénétrer tant la cohue des pèlerins en proie à une frénésie tapageuse, se massait à l’entrée. Les groupes se succédaient sans fin dans une bousculade inénarrable.

Le seul intérêt pour moi fut de me noyer dans le flot tumultueux de couleurs où dominait le rouge des saris et le noir des parures de cheveux des femmes et celui des senteurs des nombreux stands d’offrandes et de souvenirs religieux.

Puis, nous nous sommes rendus au plus ancien temple de la ville, le Kailashanatha temple, dédié à Shiva, que nous avons parcouru au pas de course et qui aurait mérité une visite plus approfondie.

Nous avons pris le temps de musarder à travers la ville, dans une Inde authentique, sans touristes Nous avons pu nous régaler en dégustant des en-cas de cuisine de rue alléchante et plus tard dans la soirée dans l’excellent restaurant de notre agréable et, cette fois-ci, très douillet hôtel.

Nous avons eu la surprise agréable le lendemain matin de voyager pendant six heures pour Mahabalipuram, dans un bus ordinaire de très correct confort.

La foule des touristes à Mahabalipuram

A peine arrivés, j’ai eu envie de fuir Mahabalipuram (ou Mamallapuram).

Une chaleur étouffante, une foule de touristes, et l’impossibilité de trouver à nous loger. Nous allions d’hôtel en hôtel, de guesthouse en guesthouse essuyant les refus peu aimables des établissements complets, car Roger – encore lui ! – avait jugé inutile de réserver une chambre deux jours auparavant depuis Vellore.

Je sentais à nouveau la tension monter entre nous. Epuisé, je déclarai :

– Ecoute, nous n ‘allons pas continuer à traîner ainsi nos valises dans la poussière. Je reste ici, je garde les bagages, pars chercher une chambre et reviens me chercher quand tu auras trouvé.

Il est revenu plus d’une heure après, affirmant avoir trouvé une chambre « très bien » dans un hôtel « très bien »

Nous n’avions pas du tout la même conception du « très bien » car la chambre s’avéra très inconfortable, sans fenêtre sur l’extérieur, mais donnant sur le couloir desservant toutes les chambres de l’étage. Et voilà Roger qui l’ouvre en grand pour obtenir de l’air et se met nu dans la foulée.

– Mais, enfin, tu ne vas pas rester à poil la fenêtre grande ouverte ! Ou tu la fermes ou tu te mets au moins un caleçon ou une serviette autour de la taille.

– Si les gens ne regardaient pas ils ne me verraient pas ! Ils n’ont qu’à ne pas regarder !

C’est cette nuit-là que je réalisai que Roger ne pouvait pas dormir lumière éteinte. Nous avons tous deux effectué toute la nuit un ballet du lit à l’interrupteur et de l’interrupteur au lit. Sans un mot, je me levais éteindre dès que j’étais réveillé par la lumière et lui, sans un mot, se levait allumer, réveillé par l’obscurité.

L’Ascèse d’Arjuna et les temples de la colline

 Je suis sorti, seul, aux aurores. J’avais eu envie de fuir Mahabalipuram la veille en découvrant ce flux et reflux de touristes qui se répandait partout, les uns dans les boutiques, les autres dans les restaurants et cafés, d’autres encore qui erraient esseulés, mais le plus souvent en troupeaux.

Mais ce matin, avant même de prendre mon petit déjeuner, je jouis du calme et de la solitude des lieux.

Au bout de la rue je découvre ce mur célèbre par son bas-relief aux énormes éléphants et ses nombreux  personnages, grands et petits : l’Ascèse d’Arjuna.

On ne peut pas manquer non plus, juste à côté de l’ascèse d’Arjuna,  la Krishna butter ball, cette énorme boule de granit, qui semble tenir en équilibre, juste posée sur une sorte de socle en déclivité. C’est également la deuxième attraction touristique de Mahabalipuram. Il est dit qu’elle serait à la même place depuis 1300 ans sans que jamais personne pût la déplacer.

Plus tard, après avoir déjeuné et semé mon compagnon de voyage, j’ai escaladé la colline à partir de cette énorme Krishna butter ball de pierre qui semble tenir en équilibre sur une pente depuis, dit-on, 1300 ans. En suivant plusieurs sentiers qui serpentent à travers le granite, j’ai découvert différents petits temples et grottes ornés de statues et de bas-reliefs.

Une foule trop nombreuse m’a dissuadé de visiter les cinq rathas   et le temple du rivage.

Nous y avons rencontré un jeune-homme qui nous a raconté leur propre vécu du tsunami avec beaucoup de tact et de pudeur, sans jamais se plaindre.

J’ai découvert mon propre Temple du Rivage : une petite construction de pécheurs, en palmes de cocotier tressées. Très émouvant.

Le village des pêcheurs

 

Par le plus grand des hasards, j’ai retrouvé dans cette multitude de touristes, mon amie Anne qui m’avait annoncé effectivement qu’elle visiterait Mahabalipuram aux mêmes dates que moi. Et, autre curieuse coïncidence, elle occupait une chambre dans un hôtel juste en face du nôtre.

Nous avons loué un tuk-tuk pour nous rendre dans un petit village de pêcheurs autrefois dévasté par le tsunami de 2004 et reconstitué un peu plus haut dans les terres.

La pauvreté, la simplicité, mais surtout l’authenticité du lieu m’ont incité à me recueillir un instant. Dans ce temple si modeste, loin de la foule des touristes, je me suis senti pénétré d’une apaisante bienfaisance, comme si je ressentais ici la présence protectrice d’une divinité.

 

 

 Ensuite, ce garçon de trente ans et sa femme de vingt-quatre, nous ont conduits chez eux pour nous montrer leur maison, intérieur, extérieur, leur temple domestique, les photos de leur fils en garde ce jour-là chez la grand-mère. Ils nous ont offert à déjeuner.

– Je suis désolé, seulement du riz et des légumes. Je n’ai pas pu aller pêcher aujourd’hui tant la mer est déchaînée depuis trois jours.

Pas de poissons, pas d’argent.

Nous avons voulu payer notre repas. Ils s’y sont formellement opposé.

– On vous a invité par amitié, pour partager un moment avec vous, pas pour l’argent.

Nous avons laissé l’équivalent de ce que nous aurions payé au restaurant en précisant que c’était un cadeau pour le petit et non la note du repas.

Alors, il nous a conduits aux fouilles archéologiques, en principe interdites au public, d’un temple enseveli par un tsunami il y a soixante-dix ans et exhumé par celui de 2004. Le site de tiger cave

Cette rencontre fut vraiment un moment magique.

 

S’agirait-il des vestiges d’un gigantesque lingam ? La forme phallique de cette pierre le laisserait penser, mais nous n’avons pas pu obtenir de renseignements à son sujet.

Retour au réel avec Roger qui commença  à chicaner à nouveau à propos du départ du lendemain pour Tiruvannamalai. Un plan vraiment pourri – cinq heures trente de voyage en bus avec changement dans un village inconnu, contre deux heures trente en voiture. J’ai coupé court à la discussion, ne voulant pas me gâcher la fin de cette magnifique journée par une dispute. Et je suis sorti réserver un taxi puis dîner avec Anne.

De retour à la chambre je lui lançai :

–  Je pars en voiture demain à 8h30, je prends les frais à ma charge. Si tu veux venir tu viens, si tu ne veux pas, tu prends le bus.

Eh bien, il a trouvé à redire. Comme il recommençait à couper les cheveux en dix, je suis sorti me promener. Le genre d’individu qui prend systématiquement le contre-pied de ce que vous dites ou de ce que vous proposez, qui, sous des apparences aimables et doucereuses et un ton mielleux, vous manipule et ne vous fait faire tyranniquement que ce qu’il veut, en vous culpabilisant si vous ne le suivez pas dans ses desiderata.

Il va me gâcher tout mon voyage, je le sens, je le sais. Dans trois jours, arrivé à Pondichery, je le largue.

 

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