Article mis à jour et modifié le 18 juillet 2021
La tombe de la mère du sultan Zaïn-ul-Abidin
Perdu dans un dédale de ruelles, j’ai aperçu un superbe mausolée du XVème siècle. Ne se visite que de l’extérieur, affirme mon guide, mais vaut le déplacement et situé dans un très beau cimetière.
Un grand gaillard aux yeux bleus superbes me tombe dessus.
– Tu veux regarder à l’intérieur ?
– Ah oui ! Surtout s’il s’agit d’une rareté interdite aux visiteurs.
En fait, rien d’exceptionnel, une sobriété totale. Aucune décoration, seulement, au centre, le tombeau de la mère du sultan Zain-ul-Abidin – autrement appelé Budshah – pour qui il avait fait construire cet énorme édifice.
– Tu veux que je te montre quelque chose que personne ne voit ? Quelque chose d’exceptionnel ?
– Ah, oui ! – again –
Et il m’ouvre la grande porte fermée à quadruple tour du cimetière privé de la famille royale.
– La tombe du roi ! Personne jamais ne la voit.
Et je suis sûr qu’il dit vrai car on la cache aux locaux, le lieu étant extrêmement vénéré et sacré. Et les touristes Indiens ne s’aventurent pas dans la vieille ville, ce qui les intéresse c’est un tour en shikara sur le lac, comme en gondole sur les canaux et la lagune de Venise.
Bon, combien va-t-il me demander celui-là
Avec un grand sourire et ses yeux de saphir il me dit :
– Tu peux me donner quelque chose si tu veux, mais ce n’est pas obligé. Si tu ne me donnes rien, ce n’est pas grave. Je t’ai montré tout ça parce que je t’ai regardé faire tes photos et toi tu “méritais” que je te montre ça.
Qu’entend-il par « mériter » ?
La mosquée Shah-i-Hamdan
Le clou de la visite de la vieille ville c’est la somptueuse mosquée Shah-i-Hamdan – que fit construire, en 1395, le Shah d’Iran arrivant ici, « avec l’Islam dans ses malles » dit encore une fois mon guide. – Elle ne se visite que de l’extérieur elle aussi. Les femmes et les non musulmans n’ont pas le droit d’y entrer. Elle est particulièrement sacrée et même gardée par un militaire ou un policier à l’entrée. – J’ai toujours un peu de mal à les distinguer. Les policiers ressemblent à des militaires et les militaires à des policiers. – On peut regarder l’intérieur par une fenêtre. Mais la fenêtre est très sale et grillagée. On ne voit pas très bien. Flûte alors !
Bon, « Sésame ouvre toi ! ». Je dois montrer « patte blanche ».
Je trouve des mots et des arguments pour qu’on me laisse entrer…
Un large sourire du sbire et des vieux imams qui sont là, et…
– OK tu peux entrer.
– Je peux faire des photos ?
– Oui, bien sûr !
Et ça valait vraiment le coup d’œil. Une splendeur. On aime ou on n’aime pas. Moi j’ai admiré. Plusieurs fois incendiée au cours des siècles, le bâtiment actuel date de 1732.
A ma sortie, le plus vieil imam me demande :
– De quel pays tu viens ?
– France !
– Ah un merveilleux pays ! Un pays vraiment démocratique !
Je deviens franchouillard quand j’entends ça. C’est vrai que ça fait plaisir d’être « reconnu » comme pays de Liberté, de tolérance, de démocratie… En fait, nous ne réfléchissons pas nous Français à notre chance. Nous sommes tellement habitués à pouvoir dire et faire sinon tout, mais du moins beaucoup de choses, que ça nous paraît tout naturel. Le Français est tout le temps en train de râler, de protester, de revendiquer, comme un enfant trop gâté. Allons un peu voir chez les autres comment ça se passe, et nous constaterons notre chance.
Les jardins moghols
J’ai été déçu par les jardins Moghols. C’est beau, certes, mais ce n’est pas un Versailles oriental comme je m’y attendais. Celui prétendu être le plus beau est en chantier : bâtiments et harem en ruines, voire disparus totalement. Tous les bassins et canaux avec fontaines sont à sec, démolis, et en cours de réfection. Seul, demeure un parc immense, très fleuri mais de roses trémières, d’hortensias, de bégonias, de rosiers, et de magnolias, que nous trouvons en abondance dans les nôtres. Subsistent des arbres somptueux et gigantesques, plusieurs fois centenaires, de dix mètres de large et quarante de haut… Impressionnant !
Les parties du jardin où coulent encore l’eau des fontaines, jets d’eau, ou canaux, n’est qu’un pâle reflet de l’Alhambra de Grenade, du moins du souvenir très lointain que j’en garde… Et les milliers de touristes – Indiens – qui grouillent ici malgré l’espace – complètent mon sentiment de déception. J’ai beau essayer de comprendre et d’admettre certains comportements, les Indiens « moyens » ne respectent rien, jettent leur détritus partout, se baignent sans vergogne dans les bassins et se rafraîchissent sous les jets d’eau. Leur seul intérêt est de se photographier les uns les autres.
Srinagar, capitale du Jammu et Cachemire
Cet après-midi je pars flâner sur les rives du lac. Une pure merveille. Annecy, en quatre ou cinq fois plus grand, et plus… exotique. Un soleil ardent m’oblige à m’abriter sous mon grand parapluie à la doublure réfléchissant la chaleur. Une trouvaille extraordinaire. S’il pleut il vous abrite, s’il fait trop de soleil vous êtes épargné par trop de chaleur grâce à cette doublure isotherme.
Tout au long de ma promenade, je reçois un accueil fabuleux, quel que soit l’âge des personnes qui m’interpellent, depuis de modestes pêcheurs au bord du lac, aux plus bourgeois et riches. Et quand je réponds que je suis Français, alors là c’est le summum, on m’offre un thé, on veut parler avec moi pendant des heures, on me pose mille questions sur l’Europe et la France…
Bien sûr, on me demande de parler du Cachemire aux Français, de leur dire que c’est magnifique, de leur parler de la conception cashmeree de l’accueil. Je vis un moment vraiment sympathique et hors du temps.
On me hèle pour me parler, pas pour me soutirer quelques roupies, pas pour me vendre quelque chose, pas pour me proposer une arnaque sous-jacente. Les rickshaws wallahs et les loueurs de shikaras m’abordent, certes, mais sans l’insistance que l’on rencontre dans de nombreux autres lieux touristiques en Inde.
La visite de la « vieille ville » me donne l’impression d’évoluer dans un pays de conte des mille et une nuits. Un patrimoine fabuleux de vieilles maisons et de mosquées. Mais dans quel état ! On se demande comment l’Unesco n’inscrit pas toutes ces merveilles au Patrimoine Mondial pour empêcher que tout ne tombe en ruines définitivement.
Et toujours cet accueil, partout, ces interpellations depuis les boutiques, les fenêtres des maisons… même les passants dans la rue. Et quand ils peuvent me dire deux mots en français alors là ils sont aux anges… « La France, le plus beau pays du monde, pays de Liberté et de Tolérance… ».
A un moment, je mourais de soif, pas une bouteille d’eau à vendre dans tout le quartier. Un jeune homme me dit : « Je vais te chercher de l’eau. » Et le voilà parti au pas de course avec une bouteille vide pour la remplir à la fontaine, située à plus de 50 mètres de là. Mais je suis obligé de refuser à son retour… Je lui explique que nos organismes sont différents et fragiles, que je peux attraper mal au ventre. Il ne se vexe pas, il comprend.