Insuffisance cardiaque sévère…examens complémentaires sur 3 jours…Tu payes d’abord, on te soigne après…pas respecté en tant que patient…facture salée…

Si quitter ce monde est une réalité aussi forte que l’aimer, alors il doit y avoir une signification dans les rencontres et les séparations de la vie.

Rabindranath Tagore

L'Offrande lyrique

La Dame à la faux s’invite dans mes voyages depuis quelques mois.

 

Aujourd’hui, cet article sera sans photos, car il ne s’agit pas de raconter ici un épisode de voyage.

Je ne suis pas coutumier du fait, mais je vais vous parler de ma santé.

Depuis mon dernier article sur Chitradurga j’ai longuement négligé mon blog et j’en suis désolé. Désolé pour moi, désolé pour Google, et désolé pour mes lecteurs.

D’une part, je n’étais guère motivé du fait de l’absence totale de commentaires et de réactions à mes publications. Pourquoi faire tout ce travail, si personne ne me lit ? 

D’autre part, mes ennuis de santé s’étaient multipliés. J’avais connu quelques alertes lors de mon voyage à Kolkata, puis à Bhaktapur au Népal, aux environs de Noël, mais je n’y avais pas attaché d’importance…

Je ne voulais pas me rendre seul en consultation dans un hôpital indien, or aucun de mes amis proches n’était disponible pour m’accompagner à chaque fois que je les ai sollicités. Et les mois ont passé…

Mais lors d’une escapade à Mysore, certains symptômes récurrents m’ont conduit à me poser des questions sur ma santé.

De retour à Kannur, au cours d’une performance de Theyyam, je me suis senti vraiment mal. Aussi me suis-je mis en quête d’un bon hôpital local. Mais les avis de mes amis indiens ont tous convergé sur Mangalore plutôt que Kannur.

Là, plusieurs excellents établissements me furent recommandés. J’ai opté pour celui qui me sembla le mieux convenir à ma recherche selon mes critères d’occidental.

Immédiatement des critiques s’élevèrent, particulièrement de la part de Tom.

– Non, ne va surtout pas là, ils vont te faire un tas d’examens inutiles qui coûtent très cher, analyses biologiques, radiographies, scanner, etc… C’est un véritable business.

Mais je rencontrai toujours le même obstacle pour me rendre à l’hôpital : personne n’était disponible pour m’accompagner. Ce fut une nouvelle fois Tom qui se « dévoua » en se libérant une journée.

Mes symptômes semblaient être d’ordre neurologique : perte d’équilibre, difficultés d’élocution, de réflexion, et de concentration. Je redoutais un début de maladie de Parkinson. Mais un essoufflement manifeste et une « brûlure » rétrosternale à chacune de mes randonnées, particulièrement au Népal, mais aussi lors de mes déambulations dans Kolkata, m’incitèrent à faire également un bilan cardiaque. J’avais été étonné, déjà en France, depuis un certain temps, de noter un « arrêt » de pulsation lorsque je prenais mon pouls.

Consultation à l’hôpital à Mangalore

Arrivé tôt le matin, j’ai apprécié l’accueil privilégié dont j’ai bénéficié en tant qu’étranger. C’était important pour moi, car je me demandais où je m’aventurais…

Le neurologue me parut quelque peu désinvolte, se contentant de demander une IRM du cerveau, suivie d’une nouvelle consultation en fin de journée après les résultats de l’IRM.

– Puisque vous avez rendez-vous avec un cardiologue, allez d’abord à cette consultation et l’on verra ensuite.

L’IRM n’a pas révélé d’anomalies particulières à part quelques-unes liées à mon âge.

En revanche, le cardiologue m’a semblé écouter avec attention et entendre mes doléances. Mais je me suis trouvé très surpris qu’il mène une consultation avec deux ou trois patients en même temps dans la même pièce. Bonjour la confidentialité ! Surtout sachant la propension des Indiens à tendre l’oreille pour connaître ce qui concerne les autres et qui ne les regarde pas ! Il a fait procéder à une échocardiographie qui révéla un certain nombre de troubles graves dont une fraction d’éjection à 25%.

Le diagnostic est tombé : Insuffisance cardiaque sévère avec nécessité de faire des examens complémentaires sur une durée de trois jours, dont une coronarographie.

Je ne savais même pas ce qu’était l’insuffisance cardiaque. Si c’était grave ou pas.

Face à un mur

Une consultation très professionnelle, mais un cardiologue très froid et distant, sans la moindre empathie. Il se contenta d’un diagnostic sans aucune explication sur les chiffres, ni sur aucun des éléments des résultats. Dans l’après-midi, je suis retourné dans le service pour demander de plus amples explications, mais le cardiologue était parti. Je me suis renseigné auprès d’une dame en blouse blanche dans le bureau où j’avais effectué l’échocardiographie. J’ai seulement demandé ce que signifiaient toutes ces initiales en lettres capitales et abréviations, suivies d’un nombre ou d’un pourcentage figurant sur le compte-rendu de l’échocardiographie, car j’avais absolument besoin de savoir ce qu’il m’arrivait et si c’était grave ou pas.

– Vous devez demander au médecin…

– Mais il est parti !

– Revenez demain matin…

– Mais je viens de Kannur, dans le Kérala, je rentre chez moi ce soir… J’ai besoin de comprendre les résultats de l’échocardiographie. Vous ne savez pas à quels mots correspondent telles et telles initiales ?

– Je le sais, mais je ne vous le dirai pas. Revenez demander au cardiologue demain.

Réponse bête et méchante s’il en est. J’ai appris plus tard que cette dame était médecin et que c’était elle-même qui avait procédé à l’échocardiographie et à son interprétation.

Le retour à Kannur

Je n’ai pas compris sur le moment la gravité de la situation ni la nécessité d’une hospitalisation de trois jours pour approfondir les investigations.

Aussitôt Tom a froncé le sourcil, insistant à nouveau sur le côté « business », et comprenant encore moins que moi qu’il s’agissait d’un problème de santé grave. Il souhaitait surtout rentrer chez lui au plus vite. Et moi je n’avais absolument pas prévu l’éventualité d’un séjour prolongé. Je n’avais aucune affaire personnelle avec moi, et surtout j’avais besoin de réfléchir. Tom avait-il raison ? Ou, au contraire, était-ce grave ? Quoi qu’il en soit, je préférai différer ma décision.

Nous avons donc repris le train pour Kannur, en fin de journée, avec seulement l’ordonnance du cardiologue pour débuter un traitement immédiatement. J’étais décidé à attendre mon retour en France dans quelques semaines pour compléter mes recherches, puisque j’arrivais à la fin de mon séjour indien.

Au final, à part les quelques instants de consultation, nous avons eu l’impression d’avoir passé notre journée à nous promener d’étage en étage, de bureau en bureau, de service en service.

Le personnel administratif semblait davantage soucieux du paiement que de ma santé, car j’avais déclaré payer moi-même ces consultations. J’avais trouvé inutile de contacter mon assurance pour seulement une consultation médicale.

Hospitalisation de trois jours à Mangalore

Une fois rentré, j’ai averti mon médecin traitant et mon grand ami médecin, appelons-le Jean, auxquels j’ai envoyé une copie des résultats. Réponse immédiate : Il ne s’agit pas de traiter cela avec désinvolture. C’est très grave et il faut absolument faire ces investigations sur trois jours, et surtout la coronarographie. Et les deux m’ont déchiffré les fameuses initiales, nombres, et pourcentages avec moult explications et mises en garde. Mais j’avais déjà vérifié sur Google à peine installé dans le train. Pas question d’attendre plusieurs semaines. Urgence absolue.

J’ai de nouveau sollicité Tom, car Shiva ne pouvait absolument pas se libérer à cause des conditions arbitraires et draconiennes de sa hiérarchie.

– Je vais t’indemniser. Je vais te payer ce que tu perds par une journée d’absence.

– Non, non, je ne veux pas d’argent, je ne veux pas que tu me payes…

Je me suis renseigné auprès d’un ami commun connaissant très bien le job et les conditions de travail de Tom sur une évaluation de cette compensation.

– Tu peux lui donner 1000 roupies par jour.

J’ai doublé la mise pour être sûr de ne pas léser Tom.

Tu payes d’abord, on te soigne après

De retour à l’hôpital j’ai dû recommencer le parcours du combattant de l’administratif, de guichet en guichet, de bureau en bureau, avec de nouveau les mêmes craintes et suspicions parce que je n’avais toujours pas sollicité mon assurance. Je pensais me faire rembourser par la Sécurité Sociale sur factures, une fois rentré en France.

Lors de ces trois jours qui m’ont paru des semaines, tant il s’est passé d’aventures, j’ai pu apprécier et râler sur les conditions d’hospitalisation. Des soins irréprochables et un cardiologue très compétent, bien que toujours aussi distant et glacial, mais le séjour lui-même, insupportable.

J’ai demandé le coût d’une chambre particulière. Il m’est apparu tout à fait gérable dans mon budget. Le prix d’une chambre d’hôtel haut de gamme sinon de luxe. Ce que l’on ne m’a pas indiqué, c’est qu’ensuite, tout, absolument tout, serait facturé au moindre détail près depuis le rouleau de papier essuie-tout ou les gants jetables utilisés par les infirmières jusqu’au rouleau de sparadrap ou le flacon de désinfectant, en passant bien sûr par les médicaments facturés à l’unité de comprimé.

Les repas n’étaient franchement pas bon, et il fallait payer ceux de Tom à chaque service, comme si je risquais de partir sans payer…

Chambre d’hôpital ou chambre d’hôtel ?

Au cours de ces trois jours, j’ai vu défiler un véritable ballet de différents personnels de toutes sortes, presque jamais les mêmes intervenants… Notamment toutes sortes de médecins qui n’avaient rien à voir avec la cardiologie, car en fait les chambres se trouvaient dans une aile réservée à l’hébergement, exactement comme dans un hôtel sans aucune différenciation de services, donc les médecins des différentes spécialités faisaient irruption dans la chambre sans aucune réelle raison.

D’ailleurs j’ai été très amusé quand j’ai pénétré dans ma chambre pour la première fois. J’ai eu l’impression d’entrer dans une chambre d’hôtel 3 étoiles, vu son agencement, son mobilier, et sa décoration, dans laquelle on aurait placé un lit médicalisé. Il y avait même un large et confortable espace salon pour les visiteurs, évalués nombreux à en juger par le nombre impressionnant de sièges prévus pour les recevoir.

Je ne me sens pas respecté en tant que patient

Il a été procédé à des examens biologiques à mon insu, sans m’avoir demandé mon consentement préalable. J’ai été très choqué par l’intervention d’un médecin qui s’est autorisé à me donner son avis sur mes traitements en cours, prescrits en France. Il m’a conseillé de demander au médecin qui me suit dans mon pays de me donner tel autre médicament plutôt que celui que je prenais. – Non, mais de quoi je me mêle ? – Et j’en sais assez dans ce domaine pour savoir qu’il se trompait. Ce médecin s’est aussi mêlé de m’informer de choses que je savais mieux que lui, c’était évident, sur la pathologie elle-même, les médicaments, la posologie…

D’une manière générale je n’étais informé de rien. Le médecin prescrivait et les infirmières s’exécutaient et étaient très surprises que je demande : mais quel médicament me donnez-vous là ? Quelle molécule ? Et pourquoi l’on me fait tel soin ? Une prise de sang ? Pour vérifier quoi ? Elles étaient incapables de me répondre, ne sachant pas elle-même…

De plus les divers médecins ne faisaient jamais sortir Tom. Or, même si j’ai une confiance totale en lui, ma santé fait partie de ma sphère intime et je n’ai pas envie qu’il soit au courant de tout. C’est à moi de choisir ce qu’il peut entendre ou pas.

Une facture salée et une sortie en point d’interrogation

Le jour même de ma sortie, alors que j’étais déjà prêt à partir, l’on est venu me chercher pour une radiographie des poumons.

– Mais pourquoi maintenant ? Je sors dans une heure, je suis prêt à partir.

On n’a pas pu me répondre. Arrivé en salle de radiologie j’ai réitéré ma demande et protesté pour avoir une explication. On ne me l’a pas donnée, mais on m’a reconduit dans ma chambre sans avoir procédé à la radio des poumons. Là j’ai vraiment adhéré aux idées de mes amis indiens à propos du business et des soins et examens inutiles.

Lors de mon admission j’ai dû verser une confortable estimation des frais d’hospitalisation. Le troisième jour l’on m’a présenté une facture prévisionnelle de ce que j’allais avoir à régler, beaucoup plus élevée que ce qui m’avait été annoncé.. Ils étaient très préoccupés de savoir si j’allais pouvoir payer. Mais la facture définitive s’est avérée beaucoup plus élevée encore.

Je suis toutefois convaincu que médicalement j’ai été très bien pris en charge par un excellent et compétent cardiologue. Mais je n’ai pas compris qu’il s’en tienne à seulement un traitement médicamenteux.

En effet, les électrocardiogrammes, une nouvelle échocardiographie, et surtout une coronarographie qui révéla des artères bouchées à 90 %, indiquaient une intervention immédiate. Il aurait fallu poser un ou deux stents dans la foulée. Il ne l’a pas fait. Je n’ai pas compris pourquoi. Ou plutôt je l’ai très bien compris : probablement sachant que ça allait coûter très cher, ils craignaient que je ne sois pas en mesure de payer l’intervention.

Donc, en conclusion, je suis très satisfait par le cardiologue qui m’a pris en charge pour sa compétence professionnelle, mais je garde un très mauvais souvenir de cette hospitalisation avec tous ses dysfonctionnements et l’énormité des frais pour seulement trois jours.

 

Mais l’aventure ne s’arrête pas là et fera l’objet d’un nouvel article.

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