Elle était pleine, la valise, anti cafards/moustiques/punaises/morpions, désinfectant, PQ, lingettes javel, guêtres contre les sangsues, papier pour mon journal, cahier de comptes, guides…
Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages, que je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que je cherche.
Retour 13 ans en arrière
Article mis à jour et modifié en juin 2021
Au jour où j’écris ces lignes, cela fait 13 ans que je voyage en Inde chaque année pour des séjours de plus en plus longs, de plus en plus répétés. L’Inde est devenue ma seconde patrie. Même si ce n’est pas facile tous les jours, j’y vis heureux et épanoui. Ma vraie famille, “biologique”, s’est réduite à mes deux filles et mes trois petits-fils qui, s’ils me manquent beaucoup, ne comblaient pas le vide de ma vie qui s’était installé depuis plusieurs années. Au fil du temps, mes meilleurs amis indiens sont devenus ma seconde famille avec des liens puissants.
Je viens de retrouver les notes du carnet de mon premier voyage en Inde. Je les ai trouvées si drôles que je ne peux m’empêcher de les publier. Elles feront sourire les uns et rassureront les autres, car en lisant les différents messages sur les forums, je me rends compte que rien n’a changé. Il y a les froussards, comme je l’étais alors et les alarmistes qui continuent à trimballer tous les vieux poncifs et idées reçues sur l’Inde qu’ils ont visitée en deux ou trois semaines à peine, la jugeant sur certaines apparences et sans se poser les vraies questions. Ceux-là contribuent à l’affolement des béotiens comme je l’étais lors de mon premier voyage en Inde. Heureusement il y a aussi ceux, beaucoup moins nombreux, dont les conseils s’avèrent précieux. Hélas le néophyte ne retient que les informations inquiétantes.
J-20… L’euphorie est en chute libre ! A mon âge, ce voyage est une aventure. J’aurais mieux aimé le faire à deux, pour partager joies, plaisirs et émotions, mais aussi mauvaises surprises, peurs, mésaventures, et contrariétés diverses. Je veux dire avec quelqu’un de proche, qui me connaît bien et réciproquement. Chacun sachant ce qu’il peut/doit attendre de l’autre.
A défaut, j’ai éprouvé le besoin de me trouver un compagnon de voyage afin aussi de partager les frais. Roger. Mais déjà, ça commence mal. Depuis des mois, il me dit qu’il sera à l’aéroport de Bangalore, pour m’accueillir, et puis, brusquement, il m’annonce qu’il va atterrir à Calcutta, qu’il a envie de voir plein de choses dans le Nord avant de me rejoindre et qu’il ne sait pas s’il sera à Bangalore à la date prévue, peut-être deux ou trois jours après. Un message très clair :
– Démerde toi tout seul.
C’était mal me connaître. Je décidai sur le champ de ne plus lui donner signe de vie et effectivement de me démerder tout seul.
(Je reviendrai dans un prochain article sur les aléas d’un compagnon de voyage. J’étais tombé sur un sacré bonhomme !
Je m’inquiète au sujet de la communication avec les Indiens et des discussions interminables avec rickshaw, taxi, hôtels… Et les marchandages dans les boutiques sans connaître les prix “normaux”.
Et le problème de la nourriture par rapport à mon œsophagite chronique, les risques de turista (beurk!), mon allergie qui galope de plus en plus sur ma main, et mon amie qui a failli y laisser sa peau avec sa péritonite et sa septicémie foudroyante au fin fond de l’Inde dans un hôpital pourri… Je redoute aussi le vol de mes papiers, argent, et ma pharmacie ambulante incontournable.
Au dernier moment, je ne vois que le négatif, je flippe un maximum.
Je me fais la valise
J’ai voulu faire un essai de valise. Je n’arrêtais pas de dire que je partais avec une valise vide : seulement 2 pantalons (de 200g), deux chemises légères, deux caleçons et trois paires de mini-chaussettes.
Elle était pleine, la valise, hier, et elle pesait 19 kg pour les 20 autorisés en soute. Ben oui, entre les anti cafards/moustiques/punaises des lits et autres morpions indésirables, le savon en gel sans rincer, le désinfectant pour les pieds, le soir, les couverts en plastique. – Pas envie de manger avec mes doigts les plats en sauce et en dégouliner partout. – Le papier hygiénique, les lingettes à la javel, les guêtres contre les sangsues, pour la Silent Valley, les ciseaux, le papier pour mon journal, le cahier de comptes, les guides, les accessoires pour la photo… C’est que je pars pour 4 mois ! A force, tout ça, ça fait du poids.
J’en ai enlevé la moitié, advienne que pourra. J’ai gagné 5 kilos. C’est tout ? Le reste est incontournable (…) Bon, et si je n’emportais rien de tout ça ? Oui, mais après, je vais râler si ça me manque. On trouve tout en Inde qu’ils te disent sur les forum mais quelle qualité ? Quelle efficacité ? Dans quelles villes ?
Quand faut y aller, faut y aller !
J-16
J’ai eu une révélation divine, ce soir : je n’ai pas peur ! Non c’est le trac, tout simplement. Comme avant un examen. J’avais toujours l’impression d’avoir oublié tout ce que je savais. Là, c’est pareil. Depuis un an que je prépare ce voyage, j’en ai trop emmagasiné, et j’ai l’impression de ne plus rien savoir sur ce qui m’attend. Ce n’est pas forcément parce que c’est l’Inde, non, c’est l’inconnu. Ça me rappelle la première fois que j’ai voulu sauter du “grand plongeoir”, la piscine si loin, tout en bas. J’avais 12 ans. Blocage complet de la file derrière moi. Mais c’est qu’ils ne voulaient pas me laisser passer pour redescendre par l’échelle, les cons ! Quand faut y aller, faut y aller. Alors j’ai plongé.
Je m’envole de Bordeaux, et je plonge directement dans l’Inde.
– Mais non, tu dis n’importe quoi, me souffle ma petite voix. Bangalore, ce n’est pas l’Inde ! C’est une ville très occidentalisée.
Je me libère de mon compagnon de voyage
J-8
La valise est à nouveau vide ! Tout est sur le canapé, à côté. Bon, j’ai éliminé le papier hygiénique.
Sac à dos-ordinateur (capitonné et ultra léger) indispensable pour le bagage cabine, je vais y mettre tous mes accessoires photos, disques durs, dictaphone, paperasserie, lampe frontale, lampe de poche, etc, que je ne veux pas mettre en soute. Et il me servira au quotidien pour les balades.
Hier, j’ai trempé dans un répulsif insecticide longue durée mon sac de couchage – j’aime pas dire sac à viande, on n’est pas de la bidoche que je sache -, deux chemises + deux pantalons. J’espère que ça marchera aussi pour les cafards… Une presque phobie de ces bestioles.
Mon compagnon de voyage vient de m’envoyer un e-mail, presque agressif : démerde toi tout seul pour ton arrivée à Bangalore.
J’ai répondu : je ne veux pas être un boulet à ton pied, et je ne souhaite pas non plus t’imposer ma façon de voyager, complètement opposée à la tienne. Donc tu n’es pas obligé de me rejoindre.
S’il sait lire entre les lignes, il comprendra que je lui dis de se chercher un autre partenaire de chambre et de transport. A la fois je me sens plus libre et plus indépendant, et soulagé aussi d’une certaine manière. (Mieux vaut voyager seul que s’engueuler sans arrêt avec quelqu’un avec qui l’on ne s’entend pas). Mais, bien sûr, je mentirais si je disais que je m’en fous complètement et que ça ne fait pas monter de quelques degrés les appréhensions que j’avais de mon arrivée en Inde.
J-3
J’ai chopé une belle gastro. Vomissements impressionnants – on se demande quel est le cubage d’un estomac ! – et le reste aussi, bien sûr… C’est charmant ! Et ne venez pas me dire que c’est psychique, que c’est le stress. Grelotter de fièvre sous deux couettes, c’est pas psychique.
Dernier jour : encore et toujours la valise !
J-1
Journée de fou pour finir tout ce qu’il y avait à faire. Beaucoup de paperasse de dernière minute. Enfin tout est rayé sur la liste, sauf les derniers trucs à faire demain, au dernier moment.
21h 45 : je refais ma valise pour la troisième fois. Elle est à moitié vide. Faut que je cale tout ça avec mes seuls deux caleçons, deux chemises et le sac de couchage et quelques chaussettes.
Le test balance : c’est pas vrai ! Encore 19 kilos ! Avec tout ce que j’ai enlevé ! Oui, mais c’est vrai, j’en ai rajouté… Les tennis, la tondeuse, la trousse de toilette, quelques barres céréalières si un jour je meurs de faim, perdu dans les bois… des petits savons à donner. Mine de rien 200g + 200g + 100g, etc… ça finit par peser.
Non, non, et non, même si elle se videra au fur et à mesure, je ne vais pas me trimbaler une valise de 19 kg les premiers jours. Alors j’enlève les barres céréalières, les petits savons à donner, une chemise, les chaussures fermées pour “sortir”.
– Parce que tu t’imagines que tu vas “sortir” ?
Ça c’est encore la petite voix.
Bon, restent les godillots pour crapahuter que je porterai pour voyager et prendre les bus entre les étapes, et les sandales.
Et mine de rien, 200g + 200g + 200 g ça “dépèse”. Bon, cette fois, ce qui reste est incontournable. J’arrive à un peu plus de 16 Kg. 2,5kg de moins ça se ressent. Le sac à dos : 8kg pour les 12 autorisés.
Ma gastro si invalidante il y a trois jours, est déjà oubliée. Avant de monter me coucher, le cœur léger, déjà la tête pleine de rêves, je consulte mes e-mails. Un message de Roger me demande de lui rappeler mon nom et mon hôtel car il a égaré mes coordonnées. Parfait. Je ne lui réponds pas. Ainsi m’en voilà vraiment débarrassé.
Le jour J est arrivé.
J’ai rouvert la valise 4 fois ce matin, quand même ! Encore enlevé plus d’un kilo et demi. Elle fait à peine 15 Kgs à présent.
Aujourd’hui je suis plus dans l’émotion que dans la peur…
Bonjour, J’ai bien aimé ton texte sur tes préparations,je m’y reconnais, et ta franchise.
J’espère que tu vas bien.
Merci, Christian, maintenant je suis devenu un enfant de “Mother India”, mais je n’ai pas tellement changé au niveau de mes préparatifs. Toujours pris entre la peur de manquer de quelque chose qui est contrebalancée par celle de me trimballer trop d’affaires inutiles (donc poids !). Oui, on trouve de tout en Inde, même des Maserati, mais comme je fuis les grandes villes et que je privilégie les coins perdus, là je ne vais trouver que l’indispensable.
J’ai pris en horreur de faire et défaire sacs et valise tous les 3 ou 8 jours et j’ai tendance à me sédentariser à Kannur depuis 3 ans. Je dis chaque année que je ferai des sauts de puce de quelques jours pour aller voir ailleurs et je ne le fais jamais. Cette année j’avais réservé train, avion, hôtels, pour visiter le Gujarat et l’Orissa qui font partie des rares Etats susceptibles d’intérêt et que je ne connais pas, et par paresse de bouger, de changer, j’ai d’abord annulé le Gujarat en janvier, puis l’Orissa en février et je n’ai pas bougé d’ici où je me sens chez moi. Maintenant je commence à connaître cette ville : les commerces, les bus, les bonnes boutiques et surtout des tas de gens et quelques bons copains dont un inspecteur de police dont la femme est avocate (ça peut toujours servir !!!). Je pense être le seul européen séjournant longuement à Kannur et si je ne connais pas tout le monde, tout le monde me connaît. C’est vraiment sympa l’accueil que je reçois partout dans les magasins, les restaus, etc. Ça me change de mon village de France où les gens sont si froids et si distants.
Le handicap majeur ici qui me pose un réel problème maintenant c’est que le Kérala est devenu pour les indiens riches, l’équivalent de la Côte d’Azur chez nous. Et les prix ont flambé d’une façon délirante. Quant à Kannur itself qui est en fin de construction de son aéroport international, qui sera le plus grand de tout le sud de l’Inde et le quatrième de l’Inde, ça devient réellement de la folie !!! En dehors de quelques hôtels miteux et pas chers mais infréquentables pour le confort et l’hygiène, il n’y a que des hôtels de luxe qui sortent de terre comme des champignons. Trois énormes complexes de 4 et 5 étoiles ont fait leur apparition entre l’an dernier et cette année.
Un tel essor économique attire des milliers de nouvelles personnes chaque jour depuis les plus modestes ouvriers pour les chantiers jusqu’aux gros businessmen qui viennent ici dans l’espoir de se remplir les poches un peu plus. J’assiste à la naissance d’une future mégapole, c’est effrayant pour moi qui aimais et aime encore cette ville pour sa taille raisonnable (1 million et demi d’habitants je crois). Mais, curieusement, les esprits n’évoluent pas. Psychologiquement parlant, Kannur n’a rien d’une ville moderne et touristique, malgré les dizaines et les dizaines de supermarchés et galeries marchandes, certaines luxueuses comme à Bangalore, qui ne cessent de s’ouvrir partout. Les mentalités restent très fermées, traditionnelles et rétrogrades et ça je le déplore vraiment. Par exemple, ici, les propriétaires de maisons et d’appartements refusent de louer à un homme seul ou à un étranger, comme si c’était le diable en personne qui allait loger là : alcool, drogue, orgies. Comme je suis les deux à la fois, je n’ai toujours pas trouvé un chouette appartement pas cher à louer à l’année au prix NORMAL, INDIEN. Les rares logements qui se louent appartiennent à des gens friqués qui ont compris tout le profit juteux qu’ils pourront obtenir en louant à des touristes à la journée, à la semaine ou au mois maximum. Et on atteint des prix invraisemblables que les touristes indiens paient rubis sur l’ongle alors que nous, pauvres européens, devons imaginer d’autres solutions de repli.
En clair, si je ne trouve pas une bonne fois un appartement à l’année et un proprio honnête, je n’aurai plus qu’à abandonner mon projet de vivre ici. Je suis à deux semaines de mon retour, et je n’ai pas du tout, mais alors pas du tout envie de rentrer, même si en ce moment la température commence à grimper (entre 34° et 36° sous abri, chiffres offiels, donc vous imaginez en plein soleil) et qu’il n’est agréable de sortir qu’entre 8h et 11h maxi et de 17h à 21h qui ne sont pas mes créneaux horaires favoris. Mais à l’idée que je vais rentrer pour me geler, charroyer des brouettes de bois, trimballer de nouveau des bûches pour le poêle, subir le vent et la pluie, je frémis.
Cette année j’ai gardé la même chambre quasiment pendant tout mon séjour dans un des meilleurs hôtels d’affaire de la ville où ils m’ont fait un prix très correct pour le niveau de confort et de propreté (draps et serviettes -grandes- changés tous les jours), ménage à fond chaque jour aussi, et où je suis servi et traité comme un Prince depuis les deux managers jusqu’au dernier des serveurs et et des cleaning ladies.
Alors pourquoi ne pas séjourner là chaque année ?
Parce que ma chambre si spacieuse et confortable soit-elle donne sur l’arrière, certes à l’abri du bruit et de la poussière de la rue à grande circulation, mais en contre-partie sur une ruelle étroite avec l’immense façade d’un immeuble à 5m seulement, en face de ma baie vitrée. Donc sombre et lumière électrique toute la journée et, bien sûr, aucune vue.
Voilà cette réponse et ces informations à Christian s’adressent aussi à tous ceux qui me lisent ici.
Si vous souhaitez répondre à cette “réponse”, ce qui m’irait droit au cœur, évitez s’il vous plaît de cliquer sur “réponse”, choisissez plutôt de cliquer sur “envoyer un commentaire” juste un peu plus bas (il faut tout leur dire !), sinon on ne va pas en finir d’avoir des réponses à la réponse.